Alain Mucchielli nous parle de la sortie de son Alambic de l'Apprenti
Après le Vade Mecum du Rite Français, voici votre deuxième ouvrage l’Alambic de l’Apprenti. Que représente pour vous l’Alchimie ?
En Franc-Maçonnerie, nous entendons souvent la phrase : « Il faut rassembler ce qui est épars. » D’un point de vue exotérique, il s’agit globalement de mettre autour d’une table des femmes et des hommes afin de résoudre un problème éthique, social ou culturel du Monde qui nous entoure, par la discussion, l’échange et l’argumentation. Faire circuler la parole afin de trouver ensemble une voie commune dans un cadre humaniste et pacifique. Mais la question qui se pose alors est de savoir si ces femmes et ces hommes sont sûrs que leurs jugements dits objectifs ne sont pas en fait des jugements subjectifs cachés, pour paraphraser Schopenhauer. Et pour répondre à cette question, il faut se connaître soi-même, non pas de cette connaissance intellectuelle neutre et trop bienveillante, mais au sens de con-naissance c’est-à-dire un véritable retour vers le noyau central de notre personnalité puis vers une synthèse intérieure, un solve et coagula, en d’autres termes, rassembler ce qui est épars en nous-mêmes. Et cela l’Alchimie le permet, comme bien d’autres techniques d’ailleurs. Il s’agit alors, après maintes difficultés et différents écueils, entre la chute dépressive et l’inflation narcissique, d’une philosophie du bien vivre et du bien mourir. Et surtout il s’agit de répondre à la question : « Quand je pense par moi-même, qui est-ce moi-même ? »
L’analyse de la symbolique alchimique se fait-elle uniquement à travers le prisme du Rite Français ? Cette symbolique est-elle valable pour les autres rites maçonniques ?
Il s’avère que je pratique le Rite Français depuis 40 ans sous toutes ses formes. Bien que je connaisse intellectuellement les autres rites, je n’ai pas la prétention de les percevoir suffisamment pour entrer dans leur intimité initiatique et en parler. Mais pour avoir lu les rituels et leur exégèse, les avoir pratiqués de façon sporadique et surtout avoir effectué de fort agréables visites à tous les degrés, je sens bien que le message alchimique est toujours là.
Mais inversement l’Alchimie ne s’exprime pas que dans la Maçonnerie : nous la retrouvons en peinture, en architecture ou en littérature et parfois en des endroits où l’on s’y attend le moins, pour peu que l’on sache lire.
Avez-vous prévu de continuer cette analyse symbolique pour les autres grades bleus ?
Les deux livres en préparation traiteront de la vision alchimique du grade de Compagnon puis de celui de Maître. Si la symbolique change un peu, le message reste le même : à chaque étape, la même conjonction doit s’opérer même si les éléments de base sont différents. Mais nous ne tournons pas en rond : nous sommes sur une hélice, avec un pas qui nous fait avancer un peu plus chaque fois. Helix, ce genre d’escargot à la coquille spiralée…
L’Alchimie se retrouve-t-elle dans les degrés dits « supérieurs » de la maçonnerie ?
Les Hauts Grades du Rite Français appelés Ordres, puis Ordres de Sagesse depuis les années 1990, sont la continuité du développement de la Maîtrise. Je pense qu’il est même possible de dire que le troisième degré, le grade de Maître, est le premier des Hauts Grades.
En ce qui concerne le contenu, c’est toujours l’hélice qui continue à se développer sur son axe, à l’infini comme est infinie notre quête. Avec une petite progression à chaque pas, jusqu’à ce merveilleux quatrième Ordre où nous posons une Rose sur le quaternio.
Mais il est inutile d’obtenir des grades, ordres et degrés si nous n’avons pas compris, dès le départ, qu’il est important aussi en Alchimie de toucher physiquement les pierres et les minéraux, d’observer les plantes et les arbres et de comprendre les animaux qui peuplent notre Monde. En d’autres termes, toucher au cœur de Soi, avoir l’intuition d’un autre-chose, impalpable, indéfinissable avec de simples mots, voire chamanique.
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